Le développement mondial du nucléaire civil et les difficultés du parc nucléaire français mobilisent les ressources de Framatome. Dans ce contexte, la sûreté, la sécurité et la qualité sont les valeurs cardinales sur lesquelles tous les collaborateurs et les sous-traitants de Framatome doivent fonder leurs actions.
La standardisation des produits et des fabrications, la mise en conformité des machines et le déploiement des pratiques de fiabilisation des interventions contribuent à renforcer ces trois piliers.
La gestion des compétences, l’organisation du contrôle indépendant, l’analyse des signaux faibles (notamment en matière de sécurité) méritent une attention particulière.
Framatome fournit des équipements et services dans les domaines du combustible, de l’ingénierie, des grands projets, des composants des chaudières, de l’instrumentation et du contrôle-commande de sûreté ainsi que de la maintenance des installations nucléaires, en France et à l’international. La plupart de ces activités présentent des enjeux majeurs pour la sûreté.
L’inspection générale (IG) évalue pour le président de Framatome la robustesse de la sûreté nucléaire des entités opérationnelles, en France et à l’international. L’IG, dirigée par un inspecteur général, compte quatre inspecteurs.
Elle exerce un contrôle indépendant des lignes managériales sur la sûreté, la radioprotection, la sécurité industrielle, la sécurité au travail et l’environnement. Son activité fait l’objet d’un programme annuel présenté au comité exécutif de Framatome.
À l’occasion de ses inspections, l’IG émet des recommandations suivies de plans d’action menés par les entités. Des inspections de suivi contrôlent leur avancement.
L’IG réalise aussi des visites destinées à recueillir les perceptions en matière de sûreté et de sécurité auprès des collaborateurs de tous niveaux hiérarchiques et métiers, lors d’entretiens hors présence managériale.
Le dispositif mis en place en 2021 pour former en quatre ans tous les collaborateurs de Framatome est efficace. L’objectif 2022 (50 % de tous les salariés formés) est dépassé. Je constate sur le terrain que les principes de la culture de sûreté sont mieux connus à tous niveaux.
L’inspection générale a évalué la culture de sûreté de l’usine du Creusot et de celle de Montbard qui a rejoint Framatome en 2021. Sur chaque site, une équipe d’évaluation d’une douzaine de personnes, dont deux manageurs d’autres Business units (BU) désignés par le comité exécutif, a réalisé plus d’une soixantaine d’entretiens et visites de terrain. Ces évaluations ont notamment mis en évidence une communication aisée entre niveaux hiérarchiques et une volonté d’impliquer les collaborateurs lors des évolutions de leur environnement de travail. Au Creusot, les pratiques de fiabilisation des interventions sont mises en œuvre. A Montbard, j’apprécie l’attachement des collaborateurs aux valeurs de l’entreprise et leur conscience de l’importance de la qualité du produit.
Je note de nouveau le besoin d’améliorer la présence des manageurs sur le terrain et l’application stricte des standards. Les actions engagées par toutes les BU doivent être renforcées. La gestion des compétences critiques doit également mieux anticiper les besoins et assurer les formations nécessaires au maintien des qualifications.
La politique de sûreté de Framatome affirme la responsabilité première de la ligne managériale en matière de sûreté. La filière indépendante de sûreté (FIS) exerce un contrôle à chaque niveau de l’organisation. L’inspection générale constitue le second niveau de contrôle.
Le premier niveau de la FIS se structure progressivement. Des représentants sont identifiés dans toutes les BU et les entités (sites ou projets), tout en conservant d’autres missions. Ils ont reçu une formation spécifique précisant leur rôle. Je constate néanmoins que cette organisation est peu active. Une réflexion doit être engagée afin d’identifier les freins limitant l’activité de la FIS. A tout le moins, toutes les entités doivent disposer d’un programme de surveillance comme prescrit par la note d’organisation de la FIS.
Portée par le plan Excell In Quality, la recherche de l’excellence en matière de qualité d’exécution dans les BU a conduit Framatome à engager en 2020 une démarche de standardisation des équipements mécaniques de la chaudière. Des améliorations importantes sont attendues : processus de fabrication structurés grâce à l’ingénierie système, meilleure maîtrise des matériaux et de la conformité des équipements, procédés de fabrication reproductibles, moindre développements spécifiques sources de non-conformités, retour d’expérience plus bénéfique à la série et meilleur respect des jalons réglementaires.
Je considère que cette démarche renforce la sûreté nucléaire en vue de la construction de nouveaux réacteurs.
Lancée en 2020, cette démarche a deux objectifs : « faire bon du premier coup », en intégrant les conditions de fabrication des composants mécaniques dès la conception, et simplifier en proposant en 2023 un design standard pour les projets futurs, y compris à l’export. Elle s’appuie sur deux programmes.
Le premier étudie l’industrialisation des équipements de l’EPR2, pris comme référence. A partir du retour d’expérience des fabrications précédentes, la fabricabilité des équipements a été analysée et les processus d’industrialisation renforcés, grâce à l’intégration de pratiques d’ingénierie système.
Le second programme concerne la définition d’un design standard avec deux configurations : EPR1 correspondant aux EPR construits ou en construction et EPR2 pour les projets futurs.
Cette démarche de standardisation a été étendue au contrôle-commande de sûreté.
Dès l’annonce de la découverte de ce phénomène, Framatome a mobilisé des équipes et des moyens en appui d’EDF. Les objectifs fixés à cette task force sont les suivants :
Compte tenu du caractère dosant de ces interventions et de l’importance de son plan de charge, Framatome a fait appel à des partenaires américains et canadiens en accord avec EDF. Environ 140 soudeurs, usineurs, tuyauteurs, coordonnateurs de chantier sont arrivés en France à l’été 2022 et ont été formés et entraînés par
Framatome sur sa plate-forme de Chalon.
Le comité d’évaluation des analyses a étudié 8 comptes rendus d’événements significatifs de sûreté, de sécurité au travail et d’environnement. Je remarque que les analyses manquent de profondeur et n’identifient pas toutes les causes racines. De plus, elles ne prennent pas systématiquement en compte les facteurs organisationnels et humains et peu d’opérateurs de terrain participent à l’élaboration des comptes rendus d’événement.
En 2022, aucun événement de niveau 2 ou plus sur l’échelle INES n’a été déclaré et le nombre d’événements significatifs de niveau 1 (4) diminue fortement avec la réduction du nombre d’événements de criticité.
On peut voir dans ce résultat les effets du plan d’action engagé, en 2021, par Romans-sur-Isère. L’inspection générale restera attentive à la confirmation de cette amélioration en 2023.
Je constate une augmentation significative (8 en 2022, 3 en 2021 et 2 en 2020) du nombre d’événements de radioprotection (classés INES 0) concernant des collaborateurs de la BU Installed base (IB) intervenant dans les sites d’EDF. Une action auprès du personnel doit être réalisée.
Parmi les événements INES 0 figure le feu d’une imprimante, le 21 septembre 2022, dans un atelier de l’installation CERCA à Romans-sur-Isère. Le site a déclenché pour la première fois son plan d’urgence interne et le feu a été éteint par les équipes internes de sécurité. Aucune matière nucléaire n’a été touchée. Je souligne la bonne gestion de cette crise sans conséquence pour les travailleurs et l’environnement.
Les doses moyennes des salariés de Framatome (0.8 milli Sievert) et des entreprises extérieures (0,1mSv) évoluent peu en 2022. Stabilité également du nombre de salariés ayant reçu une dose inférieure au seuil d’enregistrement (dose nulle) : 30 % (28 % en 2021) pour Framatome et 34 % (36 % en 2021) pour les entreprises extérieures.
Les doses maximales concernent des collaborateurs (13,9 mSv) et des sous-traitants (8,9 mSv) de Lynchburg aux Etats-Unis et de Chalon, Intercontrôle et Maubeuge en France. Ces sites interviennent dans le contrôle et la maintenance des centrales nucléaires. A Chalon et chez Intercontrôle, le retour d’expérience des interventions liées à la corrosion sous contrainte doit être analysé rigoureusement pour mieux prévoir et baisser les doses.
Le vieillissement du parc nucléaire entraîne une hausse de l’activité radiologique des pompes primaires entretenues à Maubeuge. J’incite cet établissement, qui dispose d’un suivi efficace de la dosimétrie individuelle, à rechercher de nouvelles solutions pour réduire les doses.
Les objectifs de résultats, renforcés en 2022, sont désormais communs aux employés de Framatome et aux sous-traitants : taux de fréquence global des accidents avec arrêt (LTIR) inférieur à 1 et taux de fréquence global des accidents avec et sans arrêt (TRIR) inférieur à 2. Ils atteignent 0,8 et 2,25 en fin d’année, valeurs très proches des objectifs.
Pour 2023, les objectifs sont plus exigeants (LTIR global inférieur à 0,5 et TRIR global inférieur à 1,8).
La priorité donnée à la sécurité au travail, au plus haut niveau de Framatome, a conduit les responsables des BU concernées à devoir présenter au président les analyses des événements les plus significatifs.
Les résultats de la BU IB se sont dégradés en 2022. Deux facteurs ont contribué à cette situation : l’intégration d’une nouvelle filiale (Framatome ARC – ex EFINOR) dont les résultats sont éloignés des standards de Framatome (LTIR initial supérieur à 20), et une augmentation du LTIR des équipes travaillant sur les chantiers.
Je considère que cette dernière tendance est préoccupante dans un contexte de forte sollicitation de la BU IB.
S’agissant de l’intégration de nouvelles filiales, l’accompagnement mis en place par la direction 3SEP de Framatome et les BU concernées, sous forme notamment de visites de terrain, sensibilise les nouveaux collaborateurs à l’importance de la sûreté et de la sécurité. En 2023, l’inspection générale inspectera Framatome ARC sur le thème de la sécurité au poste de travail.
En 2022, l’inspection générale a réalisé 19 inspections thématiques et 14 inspections de suivi de ses recommandations.
En accord avec l’autorité de sûreté américaine (NRC), l’inspection générale réalise chaque année deux inspections à Richland, portant chacune sur l’un des six sujets suivants : gestion de crise, radioprotection et environnement, sécurité incendie, gestion de la criticité, risque chimique, formation et entraînement, selon une périodicité triennale. En 2022, la gestion de crise et la sécurité incendie ont été retenues.
L’organisation de crise est solide : les responsabilités sont clairement définies, tous les collaborateurs sont formés et entraînés, les matériels d’intervention sont redondants et bien entretenus. J’ai apprécié l’efficacité du nouveau système de comptabilisation du personnel en cas d’évacuation du site. J’engage le site à préciser dans le protocole conclu avec les pompiers de la ville de Richland qu’ils doivent s’entraîner à intervenir en ambiance radiologique.
La maîtrise du risque incendie repose sur un référentiel conforme aux réglementations en vigueur, des formations adaptées, un solide programme d’entraînement, des inspections et des audits internes réguliers. Des améliorations sont attendues en matière de prévention des réactions chimiques exothermiques et de rigueur dans la gestion des documents autorisant les travaux à risque.
Dans ces deux sites, l’organisation et la documentation sont conformes aux attendus. Les essais périodiques des équipements sont réalisés. La gestion des compétences et les formations sont adaptées aux besoins et les qualifications suivies avec rigueur.
J’incite le site de Lingen à renforcer son programme d’exercices et à mieux exploiter le retour d’expérience des deux autres sites nucléaires de Framatome.
A Romans-sur-Isère, le suivi des écarts et la déclinaison des exigences réglementaires dans les documents des différentes installations sont perfectibles. Le programme de clarification des règles d’exploitation, engagé à la suite des événements de 2021, se poursuit. Je recommande que les opérateurs participent davantage à la rédaction de la documentation opérationnelle, conformément aux standards de l’AIEA.
En 2020, cinq sites ont été inspectés au regard de leur capacité à respecter les référentiels opérationnels et à tracer leurs activités : le centre d’entretien et de décontamination d’outillage de Sully-sur- Loire (CEDOS), le centre de maintenance des outillages (CEMO) de Chalon-sur-Saône en France, les sites de Karlstein et d’Erlangen en Allemagne, dépendants de la direction technique et ingénierie (DTI), et le site d’Erlangen dépendant de la BU IB. Dans ces établissements, les référentiels examinés déclinent correctement les politiques de sûreté, de sécurité et de qualité. Les responsabilités opérationnelles et les délégations associées sont définies.
Au CEDOS et au CEMO, le pilotage des actions d’amélioration, le suivi des habilitations et des qualifications, la gestion opérationnelle des produits chimiques doivent être plus efficaces.
Dans les établissements dépendants de la DTI, les pratiques de fiabilisation des interventions sont peu utilisées. Un plan d’action doit être déployé rapidement pour évacuer les déchets accumulés à Erlangen.
Dans le site d’IB, la démarche 5S d’amélioration continue de l’environnement et des conditions de travail reste à mettre en œuvre.
Enfin, dans les sites allemands, la filière indépendante de sûreté doit être déployée.
Après plusieurs événements impliquant des machines, Framatome a engagé fin 2021 un plan de vérification et d’amélioration de leur conformité. L’inspection générale a inspecté quatre sites industriels sur ce thème.
Je constate que les sites sont correctement organisés pour suivre ce sujet. Les responsabilités sont définies, les exigences réglementaires de formation respectées, les procédures d’évacuation d’urgence du personnel intervenant sur les machines existent, les dispositions matérielles et organisationnelles sont prises.
Les principaux points à améliorer concernent l’absence au poste de travail des consignes opérationnelles de sécurité et des documents justifiant la conformité, les dépassements d’échéance des vérifications périodiques, la prise en compte des exigences réglementaires dans les projets d’investissement de machines neuves.
Les écarts de conformité mis en évidence sur plusieurs machines ont conduit Framatome à déployer un programme d’évaluation et de remise en conformité. Les actions correctives nécessaires et les éventuelles mesures d’exploitation compensatoires, ont été confiées aux BU. En complément, Framatome a engagé une évaluation de la durée de vie résiduelle des ponts roulants après l’accident mortel survenu en janvier 2022 dans un site de la société Ugitech. Cette analyse, basée sur le retour d’expérience d’installations portuaires, concernera en 2022 et 2023 tous les ponts de plus de 19 ans. Leur durée de vie résiduelle et les contrôles complémentaires en exploitation seront définis.
Le site de Rugles a été inspecté sur sa capacité à gérer et à anticiper les compétences et qualifications nécessaires à ses activités. J’observe une étroite collaboration entre les managers et les responsables des ressources humaines. Les besoins sont anticipés grâce à des outils adaptés. Les compétences critiques font l’objet d’un suivi particulier.
J’incite le site de Rugles à mieux identifier les postes, les qualifications, les habilitations et les formations à fort enjeu sûreté, sécurité, qualité. Des autoévaluations de la culture de sûreté doivent aussi être réalisées.
Ce site américain, qui dépend de la BU IB, affiche des résultats de sécurité au travail et de radioprotection satisfaisants. Les pratiques de fiabilisation des interventions sont déployées, les analyses de risque des activités de production et de maintenance réalisées, les écarts tracés et les actions d’amélioration suivies avec rigueur.
Je constate toutefois que les dispositions de contrôle indépendant prévues par Framatome ne sont pas mises en œuvre et que la gestion du risque chimique est perfectible. Les sous-traitants doivent être systématiquement informés des risques des opérations qui leur sont confiées.
En 2022, l’inspection générale a émis 64 recommandations et en a soldé 42, dont 18 datant de plus de deux ans. Il reste 97 recommandations en cours dont 2 de plus de deux ans. L’objectif de maintenir inférieur à 10 le nombre des recommandations de plus de deux ans est reconduit en 2023.
La rigueur d’exploitation (essentiellement la qualité de la documentation d’exploitation et le respect des processus) est le thème principal des recommandations (60 %), devant la conformité réglementaire (30 %) et le traitement des écarts (10 %).
L’efficacité de la filière indépendante de sûreté dépend de sa capacité à évaluer régulièrement les pratiques des chaînes opérationnelles.
Je recommande de systématiser et formaliser les programmes de surveillance du premier niveau de la FIS et d’en évaluer régulièrement l’efficacité.
RECOMMANDATION |
L’efficacité de la filière indépendante de sûreté dépend de sa capacité à évaluer régulièrement les pratiques des chaînes opérationnelles.
Je recommande de systématiser et formaliser les programmes de surveillance du premier niveau de la FIS et d’en évaluer régulièrement l’efficacité.