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      Dessin de Nicolas Waeckel chapitre 5

      Le Groupe EDF a lancé un programme d’investissement d’envergure pour prolonger la durée de fonctionnement de son parc en exploitation au-delà de 40 ans, avec l’ambition d’être une référence mondiale en termes de sûreté. Ce programme a un caractère exceptionnel par le volume et la complexité de ses travaux qui s’échelonnent sur plus d’une décennie. Il mobilise les CNPE, les ingénieries et l’ensemble des partenaires industriels. Les modifications sont réalisées lors des 4es visites décennales (VD4) de chaque réacteur des paliers 900 et 1 300 MWe et lors des 3es visites décennales pour le palier 1 450 MWe.

      De manière similaire, EDF Energy lance le programme Long Term Operation (LTO) du REP de Sizewell B, en visant une exploitation a minima jusqu’en 2055.

      Framatome a réalisé des investissements importants pour moderniser son site de fabrication d’assemblages de combustible de Romans-sur-Isère.

      En France, la durée de fonctionnement d’un réacteur nucléaire n’est pas définie a priori. L’exploitant réalise tous les dix ans un réexamen périodique de sûreté (RP) pour vérifier la conformité de l’installation aux règles applicables et actualiser l’appréciation des risques pour la sûreté. La réévaluation de sûreté tient compte de l’état de l’installation, de l’expérience acquise durant l’exploitation, de l’évolution des technologies, des standards et des connaissances, dont celles sur le changement climatique et ses effets : 60 % des modifications sont réalisées lors des visites décennales (VD). Afin de lisser la charge de travail des VD4, des lots supplémentaires de modifications complètent le lot initial et sont programmés pendant les arrêts suivants.

      VD4 Gravelinnes

      Les enseignements du RP4 900

      Au-delà des réussites du projet VD4 900, des enseignements doivent être tirés en vue des autres réexamens de sûreté. Le RP4 900 avait débuté tard. Les organisations ont dû être adaptées pour respecter les échéances de la TTS. Les dossiers de modification ont été livrés tardivement. Le programme de modifications, trop important, impose une intégration en trois phases. Entre deux VD, les équipes vivent un régime permanent de modifications des équipements et des référentiels d’exploitation. Ce régime n’est pas favorable à une bonne appropriation des installations et conduit à une saturation des organisations. La RP4 900 a donné lieu à de très nombreuses prescriptions techniques qui n’ont pu être anticipées du fait de leur parution tardive. Certaines modifications liées au risque tornade sont à reprendre, à quelques années d’intervalle, pour intégrer de nouvelles exigences.

      Des points de vigilance

      Le projet VD4 900 doit à présent relever plusieurs défis. Dans un contexte de forte charge de travail, il faut conserver la cadence de déploiement sur l’ensemble du palier. La qualité de réalisation ne devra pas souffrir du rythme soutenu de livraison des équipements et de l’entrée de nouveaux prestataires. Il faudra également savoir clore le projet en renonçant à des modifications dont l’idée pourrait tardivement voir le jour.

      J’apprécie les initiatives de la DIPDE (Division de l’ingénierie du parc et de l’environnement) pour améliorer ses méthodes de travail, comme l’industrialisation des dossiers de modification par le projet NOM’ING et le développement d’une maquette numérique hybride. Celle-ci ne saurait remplacer la présence des équipes sur le terrain.

      En anticipation des arrêts, les modifications sont réalisées à 70 % réacteur en fonctionnement (TEM), ce qui complexifie l’exploitation et accroît la charge de travail des opérateurs en salle de commande, notamment la gestion de nombreuses inhibitions de capteurs incendie peu favorable à la sérénité. Les dérogations aux spécifications techniques d’exploitation (STE) ont augmenté. Le planning d’activité s’est alourdi et sa fiabilité s’est dégradée. Les cumuls d’événements compliquent la programmation des automaticiens qui doivent réaliser des activités normales en horaires décalés. J’attends que les constats de l’étude FOH (facteurs organisationnels et humains) menée à Tricastin soient pris en compte.

      la maquette numerique developpee par les equipes de la DIPDE

      Le passage aux référentiels VD4 n’est pas neutre non plus pour les plans de chargement du combustible. Les dossiers de sûreté des recharges nécessitent des moyens de calcul significativement plus lourds et, dans 25 % des cas, des reprises du plan de chargement (cf. chapitre 7).

      La maquette numérique hybride

      La MNH est un dispositif numérique léger qui met à disposition des plans d’installation en 3D. Elle couple des scans 3D des installations avec des photos permettant de donner du relief aux plans d’installation avec un degré de précision au 10e de mm. Disponible pour chaque tête de série des paliers CP0, CPY, P4 et P’4, elle est en cours de constitution pour le palier N4. Utilisée en complément des enquêtes de site, la MNH assiste la DIPDE, le CNEPE (Centre national d’équipement de production d’électricité) et leurs bureaux d’études partenaires en phase de développement des modifications. Elle est aussi utilisée par l’UFPI et l’exploitant.

      ECOT, l’examen de conformité des tranches

      L’ECOT contribue à démontrer que les réacteurs sont conformes à leur état de référence. La démonstration est apportée par des contrôles spécifiques in situ des ouvrages et des équipements, ainsi que par la vérification de la déclinaison du référentiel documentaire applicable. Méthodique et sélective, l’approche repose sur la prise en compte des exigences réglementaires dans les documents de référence et opérationnels du site, et sur des vérifications par sondage. Objectif : permettre à l’exploitant de s’engager sur la conformité de son installation et formaliser cet engagement sur la base d’éléments tangibles et vérifiables.

      Anticipation pour la VD3 N4

      Le projet VD3 du palier N4 a été lancé en 2021 dans une logique d’alignement « 4 4 3 » avec les VD4 900 et les VD4 1 300. Le palier N4 bénéficiera des dernières modifications de sûreté dès les VD3, sans attendre l’échéance du 4e réexamen de sûreté. La TTS est programmée en 2029 à Chooz, sur la base des modifications du palier 1 300 MWe prises en référence. Les bilans de puissance des diesels d’ultime secours méritent une attention particulière.

      controle mis d une cuve reacteur de paluel
      Vercors, maquette des bâtiments réacteurs

      Vercors est un bâtiment réacteur (BR) type P4 à l’échelle 1/3. Cette maquette permet d’anticiper les évolutions (fluage, évolution de défauts, diffusion de l’eau du béton) d’un BR dont l’état de finition est représentatif des réacteurs d’EDF. Le temps est accéléré d’un facteur 9.

      Vercors représente aujourd’hui un BR qui aurait environ 70 ans. Ses critères de taux de fuite de l’enceinte restent respectés. Ses évolutions dimensionnelles et son taux de fuite tendent à se stabiliser dans le temps. Aucun point de faiblesse particulier n’est à noter que ce soit sur la précontrainte ou sur l’apparition de zones de fuites singulières, notamment au niveau du radier, de la couronne supérieure, des traversées ou du tampon matériel.

      La charge de travail ne cesse de s’accumuler. Le déploiement des VD4 900 bat son plein avec un volume d’activité qui diminue moins vite que prévu avec les lots B et B complémentaire. Pour le palier 1 300 MWe, alors que les instructions des RP3 ne sont pas définitivement closes, le programme d’ingénierie du RP4 est lancé à plein régime avec un déploiement des modifications dès 2026. Le RP3 du palier 1 450 MWe et le RP5 du palier 900 MWe vont prochainement se rajouter. L’effet d’empilement doit être maîtrisé pour rendre soutenable la charge de travail de toutes les parties prenantes : ingénierie EDF, exploitant, partenaires industriels, ASN et IRSN. Dans la continuité de ma recommandation de 2022, je préconise de développer, en lien avec l’ASN, une culture du « juste nécessaire » et d’utiliser la méthode de « pesage des enjeux sûreté » pour hiérarchiser et prioriser les modifications et aussi renoncer à celles qui n’apportent que des gains de sûreté marginaux.

      maquette vercors

      François Roussely préconisait dès 2010 que « la seule logique raisonnable ne peut pas être une croissance continue des exigences de sûreté » […] et qu’il fallait « associer au mieux exigences de sûreté et contraintes économiques, en incluant une vision internationale, a minima européenne ».

      Le programme industriel des sites en exploitation s’est fortement densifié ces dernières années. Le volume des RP4 avec son cortège de modifications nous a éloignés de l’approche historique de « saut durant les visites décennales » pour tendre vers un régime de modifications en continu. Les sites à quatre et six réacteurs du palier 900 MWe enchaînent les modifications en permanence, sans atteindre d’état homogène et stabilisé avant de réenchaîner avec le RP5.

      A cela se sont ajoutées la pandémie puis la corrosion sous contrainte. La programmation des arrêts a atteint un niveau d’instabilité trop important pour le déroulement serein d’un programme industriel d’une telle ampleur. Le contexte s’est tellement complexifié que les tranches avec un cycle combustible de 18 mois ne peuvent plus bénéficier de temps de pause avec des arrêts pour simple rechargement.

      Je salue les initiatives communes d’EDF et de l’ASN pour maîtriser et alléger la charge de travail des réexamens périodiques. Une vision pluriannuelle permet d’identifier les zones de congestion. Un pilotage entre EDF et l’ASN aide à arbitrer et à mieux faire avancer les dossiers. Enfin, le groupe de travail Maîtrise de la charge a permis d’optimiser l’instruction de certaines demandes de l’ASN. Pour le RP4 1 300, EDF a aussi proposé de simplifier les instructions des études des modifications similaires à celles du palier 900 MWe, en fonctionnant sur la base d’avis d’expert et par transposition des conclusions d’études déjà réalisées.

      cnpe de paluel tts vd4 1 300

      40 ans de Heysham 1

      SALTO

      L’AIEA propose aux États membres des missions SALTO (Safety Aspects of Long Term Operation) : un examen de sûreté complet qui porte directement sur la stratégie et les éléments essentiels à la sûreté de l’exploitation à long terme des centrales nucléaires. L’évaluation des programmes et de la performance est effectuée sur la base des normes de sûreté et d’autres documents d’orientation de l’AIEA. Les missions sont menées par des pairs qui en vérifient le respect et rédigent, le cas échéant, des recommandations. Ces missions permettent aussi au personnel de la centrale de partager leurs pratiques de travail avec des experts, elles renforcent la confiance du public et procurent une aide dans la procédure de renouvellement ou d’extension d’autorisation d’exploitation.

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