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      La France et le Royaume-Uni ont fait le choix de conserver le nucléaire dans leur mix énergétique. Dans un contexte de développement du nouveau nucléaire, ils sont confrontés au maintien d’un socle de compétences.

      Le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (GIFEN) estime à 100 000 les recrutements à réaliser dans les dix prochaines années. Selon la Nuclear Industry Association (NIA), la main-d’œuvre de l’industrie nucléaire britannique doit passer de 77 000 à 200 000 personnes d’ici à 2050. Ces perspectives marquent une ambition et confèrent une responsabilité à tous les acteurs du nucléaire, à commencer par l’exploitant. Comment attirer, intégrer, former, fidéliser dans une filière longtemps boudée ?

      formation aux interventions electriques a UFPI
      Mobilité professionnelle, le système se crispe

      Les mobilités entre les entités du Groupe sont essentielles. Au fil de mes visites, j’observe en 2023 un système qui se rigidifie. Cela se manifeste par des parcours croisés trop peu nombreux entre DPNT et DIPNN, un contingentement par origine des effectifs d’Edvance qui pénalise l’apport d’expérience, la difficulté à orienter une part du personnel de construction de Flamanville 3 vers l’exploitation ou d’autres chantiers. Concevoir des réacteurs favorisant la sûreté en exploitation nécessite d’irriguer les projets du nouveau nucléaire avec des compétences d’exploitant (cf. chapitre 4).

      Bâtir des parcours croisés entre ingénierie d’exploitation et sites, entre Framatome et centres d’ingénierie, entre UFPI et entités de production et d’ingénierie, ou entre entités françaises et britanniques, favorise le transfert d’expérience et de bonnes pratiques. Le Groupe doit s’adapter au monde de l’entreprise en quittant un modèle de gestion de stock au profit d’un modèle de gestion de flux. Fidéliser ne passera plus seulement par un statut mais par un parcours valorisant. La réorganisation de l’ingénierie ne doit pas manquer l’occasion d’encourager les parcours croisés et de fixer, dès le départ, les conditions favorables au décloisonnement.

      chantier ecole a heysham

      Malgré les arrêts définitifs de réacteurs AGR, Nuclear Operations a lancé une campagne de recrutement pour maintenir les bases de compétences dans les sites et aussi dans les services centraux. Heysham 2 renouvelle ainsi près de la moitié de son personnel en cinq ans et Dungeness, malgré la mise à l’arrêt de ses deux réacteurs, continue à recruter pour former des opérateurs. Le maintien et le développement des compétences constituent l’un des quatre axes prioritaires (cornerstones) de la flotte. Ils s’appuient sur la méthode Systematic Approach To Training.

      Conduite : des programmes solides

      La conduite dispose de programmes éprouvés de formation initiale et continue. Les programmes d’habilitation et de renouvellement de licence (tous les trois ans) des chefs d’exploitation (CE), superviseurs et opérateurs sont solides. Chaque équipe de quart bénéficie d’une semaine de formation toutes les six semaines, incluant exercices sur simulateur et cours en salle. Le CE y participe, ce qui lui permet d’évaluer les performances individuelles et collectives. Le programme Line of Sight to the Core de l’INPO (Institute of Nuclear Power Operations) a contribué à améliorer l’efficacité de ces semaines de formation.

      Les instructeurs sur simulateur sont des opérateurs expérimentés ou des superviseurs. Ils conservent leur habilitation et doivent pour cela effectuer un minimum de dix quarts dans l’année. Afin d’accroître la robustesse et la souplesse de fonctionnement des équipes de quart, des rôles d’upgrader ont été créés : certains opérateurs sont formés et qualifiés pour remplacer des superviseurs, de même certains superviseurs pour remplacer des CE.

      Maintenance : un apprentissage par le faire

      Bien que les techniciens bénéficient d’une formation structurée et de dispositions d’habilitation, celles-ci ne sont pas aussi étendues que celles du personnel de conduite. La maintenance recrute des apprentis ou directement du personnel expérimenté. Pour les premiers, la formation et l’habilitation sont structurées sur quatre ans, tandis que pour les techniciens recrutés à l’extérieur la première habilitation repose sur une combinaison de formations et d’observations en situation de travail. Des fiches de qualification par métier et des fiches de compétences par matériel cadrent leur formation. Des formations et des recyclages périodiques garantissent que les techniciens maîtrisent les évolutions des pratiques de maintenance et que les éventuelles lacunes identifiées, par exemple en cas de non-qualité, sont traitées.

      Objectif d’EDF Energy : recruter 100% des apprentis

      L’apprentissage reste une voie privilégiée de recrutement à EDF Energy dans les métiers de maintenance. Ce programme très structuré, avec des critères de réussite bien définis, favorise l’embauche de tous les apprentis à l’issue des quatre ans de formation.

      Il débute par deux ans d’études dans une école interne, la Nuclear Skills Alliance, et se poursuit par deux ans de formation et d’expérience pratique sur le terrain. Malgré l’entrée progressive des réacteurs AGR en phase de déchargement et démantèlement, ce programme continue à former des apprentis dont les sites ont toujours besoin.

      Réinternalisation à la maintenance : la fierté du faire

      A Bugey, l’équipe chaudronnerie travaille depuis plusieurs années à la ré- internalisation d’activités dans les domaines du soudage, des capacités et des supportages. Concernant le soudage, l’équipe intervention s’est concentrée sur l’obtention des qualifications, à l’Institut de soudure, pour des soudures bout à bout et par emboîtement. Un programme spécifique d’activités à réaliser en interne est établi pour chaque arrêt. L’équipe commence également à préparer un programme pluriannuel. Comme dans d’autres sites, cette stratégie de ré-internalisation s’intègre dans un parcours professionnel où les intervenants, forts de ces bases techniques, pourront ensuite évoluer dans différents rôles : chargés de surveillance, préparateurs méthodes, chargés d’affaires ou managers.

      Integrall, première promotion

      Le programme Integrall vise à favoriser le recrutement et l’intégration des jeunes ingénieurs de la Direction Technique de l’Ingénierie (DTI) de Framatome.

      Une promotion de quarante d’entre eux a suivi pendant dix semaines, à partir d’octobre 2023, un cursus pour approfondir leurs connaissances de physique, du nucléaire, de Framatome, de la DTI et de ses installations. Ils réalisent ensuite pendant six semaines des études de cas spécifiques à leur futur métier afin d’être plus rapidement opérationnels. Une centaine de jeunes ingénieurs devraient suivre ce programme en 2024.

      Des équipes sur une ligne de crête

      Au-delà du défi d’ensemble, la croissance des effectifs de certains collectifs est inédite. J’ai pu le constater dans une équipe du nouveau nucléaire dont l’effectif de 20 personnes en 2022 devrait passer à 50 fin 2023 et doubler encore d’ici fin 2024. Préserver les équilibres entre les nouveaux entrants, le noyau dur des référents, voire les sous- traitants, est un véritable défi. S’y ajoute parfois la difficulté d’avoir des effectifs répartis sur différents sites.

      Sizewell B REP de 1 200 MWe

      Les directions sont conscientes de ce risque et, au-delà de l’instrumenter et de développer des plans d’action, ont commencé à mettre en place des structures pour y remédier. C’est le cas à Edvance avec la création d’une Autorité technique regroupant des experts au niveau de chaque service. Cela apporte du recul et permet de reprendre le pilotage technique métier (animation métier).

      Néanmoins, j’appelle à revenir au bon sens : face au défi de croissance et à la pression des projets, il faut garder des tailles d’équipes raisonnables garantissant la maîtrise technique d’ensemble. Leur efficacité à terme viendra de la solidité acquise dans cette période de refondation de la filière.

      UFPI

      D’après Tal Ben-Shahar, professeur à Harvard, « si l’on n’apprend pas à échouer, on échoue à apprendre ». L’entraînement sert à ça et permet d’éviter l’échec à l’examen qu’une forme de pudeur a remplacé par le terme de non-validation. Le bon relationnel s’en trouve renforcé mais l’objectif de performance n’est pas atteint. Contrairement à une tendance de fond de notre société, le nucléaire ne se satisfait pas d’un niveau standard : il tend à l’excellence. Si le niveau requis n’est pas atteint, suspendre l’habilitation est un principe de mise en sécurité individuelle et collective. C’est un acte de management.

      Formation sur le campus de Saclay

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