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      Des directions techniques et ingénieries de CNPE français montent en puissance. Les bilans de fonction sont solidement réalisés, avec les métiers, même s’ils restent parfois « faits pour Paris ». L’objectif est maintenant de mieux les utiliser dans une optique patrimoniale. La programmation pluriannuelle a été malmenée ces dernières années et les sites s’y réinvestissent. Une inquiétude demeure à propos des préparateurs, accaparés par le système d’information du nucléaire (SDIN) et dont le rôle de référent technique s’érode.

      La FARN du Bugey en exercice a la centrale de Saint Alban

      L’essentiel est de passer d’un esprit de conformité (aux programmes nationaux, instructions, exigences) à un esprit de propriétaire que je ne ressens pas assez lors de mes visites.

      Derrière les indicateurs, la réalité des activités et des situations

      Même si les indicateurs sont corrects, les erreurs engageant les facteurs organisationnels et humains (FOH) demandent de mieux se concentrer sur le sens, les compétences et les comportements. Des incidents illustrent en effet que rigueur et maîtrise ne sont pas toujours au niveau requis, comme :

      • l’injection dans le cœur de 1 100 l au lieu de 30 l d’eau borée (cf. chapitre 7) et, dans un autre réacteur, une dilution de 2 500 l au lieu de 100 l prévus ;
      • l’envoi d’eau froide d’un AGR à l’arrêt vers le réacteur en puissance, entraînant un accroissement incontrôlé de la réactivité du cœur ;
      • par confusion de tranche, la fermeture des quatre vannes d’admission vapeur d’un réacteur en puissance, provoquant son arrêt automatique ;
      • un manque de rigueur dans l’application de la procédure APE après un arrêt automatique, engendrant pendant 17 heures une fuite de soupape reliée au circuit primaire ;
      • la condamnation administrative, en position fermée, de l’actionneur d’une porte biologique d’un bâtiment réacteur alors qu’elle était toujours ouverte.

      Revenir aux événements passés nourrit aussi la mémoire collective et la culture de sûreté : je salue la publication par la DPN d’un recueil qui leur est consacré. Remarquable sur le fond et la forme, j’invite chacun à le consulter régulièrement.

      Notre histoire des évènements Sûreté
      REX du parc EDF et mondial

      Livret sûreté
      notre histoire des evenements surete flipbook 2

      Trop de sites restent en difficulté dans les deux parcs (cf. rapport 2021). La connaissance des réalités, le dispositif d’évaluation et la détection de ces sites se sont beaucoup améliorés. L’appui des services centraux manque encore d’efficacité, même si des initiatives sont bénéfiques comme leur retour sur le terrain, les revues de pairs intersites, l’aide ciblée et les missions de WANO.

      Surveillance en salle de commande a Cattenom
      Homogénéiser la conduite en France

      Rigueur et compétence doivent être la marque de tout professionnel du nucléaire et plus encore des équipes de conduite. En France, malgré 40 ans d’exploitation d’un parc standardisé, la conduite est hétérogène. L’homogénéisation des pratiques est d’autant plus nécessaire que j’observe ici et là de bonnes choses. Au Royaume-Uni, les pratiques en salles de commande sont homogènes, en ligne avec les standards internationaux.

      En France, l’équilibre entre ce qui relève du management et ce qui relève du dialogue social ne me paraît pas en place : le management doit être en mesure de cadrer les règles, les plannings et les pratiques. Il m’a semblé anormal, lors de grèves, d’arrêter la montée à 0,5 % de puissance après la divergence : cette décision ne peut pas relever des seuls opérateurs. Un retour d’expérience à froid me paraît nécessaire.

      Le pilotage du métier de la conduite (animations métier), fonction indispensable dont on voit les premiers bénéfices, se met en place à la DPN. Revenant aux bases, traitant de sujets techniques et organisationnels, cette démarche fixe les pratiques. Concrète et très encourageante, elle requiert impérativement l’alignement managérial et la participation de tous les sites. De plus, elle reste indissociable du travail sur les compétences en conduite (cf. chapitre 8).

      Le travail de terrain engagé depuis 2020 avec WANO, sur les fondamentaux et sur le rôle du pilote de tranche, fait progresser. L’objectif est maintenant d’internaliser ce mentorat à l’Unité de professionnalisation pour la performance industrielle, UFPI.

      Chez Nuclear Operations, les démarches sur les fondamentaux, dont line of sight to the core, se poursuivent. Là aussi, le besoin se fait ressentir de se centrer davantage sur les comportements.

      L’incendie, risque n°1

      Risque principal dans les installations industrielles du Groupe, l’incendie doit être traité comme tel par toutes les directions de sites et par tous. L’engagement collectif et managérial ne me semble pas assez homogène.

      J’ai vu de très bons exemples, en particulier lorsque les sapeurs- pompiers volontaires sont nombreux, que les relations avec le SDIS sont étroites, que la conduite se prépare activement à intervenir, que les systèmes sont testés en eau et que les exercices sont nombreux, réalistes et pilotés. Le centre local d’intervention de Paluel, équipé et armé par son personnel, est une organisation originale qui a attiré positivement mon attention. Mais je continue aussi à rencontrer des services de prévention des risques ou des chargés incendie qui se sentent un peu seuls.

      En matière de prévention, je vois rarement des portes coupe-feu ouvertes mais je sais que la situation peut fluctuer selon les périodes. La maîtrise des charges calorifiques reste un problème général. Surtout, je réitère mon appel à la vigilance et à la présence de terrain lors des travaux préparatoires aux VD4 (4es visites décennales) réalisés tranche en marche, qui présentent des risques significatifs : travaux dans des locaux sensibles, charges calorifiques, ouvertures de sectorisation, inhibition de détecteurs, etc.

      J’observerai avec attention la mise en place des Gardes opérationnelles (antennes de sapeurs-pompiers professionnels dans les CNPE les plus éloignés d’une caserne), en étant conscient des questions de recrutement et d’intégration sur site qu’elle pose.

      Au Royaume-Uni, le design des plus anciens réacteurs AGR présente des faiblesses de sectorisation. Des moyens alternatifs ont été ajoutés sans totalement les compenser. Il est donc essentiel que les systèmes de détection et d’extinction soient parfaitement entretenus, ce qui n’est pas toujours le cas.

      L’accident de Three Mile Island a manifesté que l’on ne peut pas prévoir tous les événements, d’où le passage de procédures de conduite événementielles à l’approche par états (APE). On voit aujourd’hui s’ajouter trop de scénarios dans l’APE, au risque d’en perdre le sens originel et de la rendre plus complexe et moins efficace dans les scénarios plus probables.

      transition numerique a saint alban
      L’imprévu : la gestion de crise

      Système complexe, une centrale nucléaire engendrera de l’imprévu. Tout ne sera pas inscrit dans les procédures : il faut convenir du point où elles s’arrêtent et où commence la gestion de crise. Se préparer à faire face à l’imprévu passe par la formation, la compréhension des phénomènes physiques, l’imagination de scénarios, les exercices de crise, l’intime connaissance et la pratique, sur le terrain, des matériels et des manœuvres.

      Je note qu’en France la conduite n’est pas bien intégrée à la gestion des exercices de crise. Or les agents de terrain auront à exécuter des manœuvres ou à interconnecter des systèmes avec ceux de la FARN (Force d’action rapide du nucléaire), il faut s’y entraîner. Je renouvelle mon appel à ce que chacun s’exerce régulièrement aux manœuvres dont il aurait la responsabilité. Et cela d’autant plus qu’avec les VD4, les installations évoluent en permanence.

      Créée après Fukushima Daiichi pour pouvoir faire face à l’imprévu, à des situations extrêmes, la FARN entretient bien ses matériels, développe ses compétences, s’entraîne. Les exercices avec les CNPE sont peu fréquents et d’ampleur : il serait judicieux de les compléter par des entraînements à petite échelle, associant des agents de la FARN et du site. Le rapprochement de la FARN et de l’Organisation nationale de crise, positif, devrait être mis à profit dans ce sens.

      Au Royaume-Uni, les équipements de crise gagneraient parfois à être mieux entretenus.

      Plus d’exigence : une question de leadership

      En France, l’inflation des processus, les excès du management par les modes de preuve ainsi qu’une forme de cogestion soucieuse d’éviter toute vague sociale ont, dans la durée, mis à mal le leadership. Avoir conscience des risques, en connaître les parades, développer les compétences, travailler le geste, insuffler rigueur et esprit de responsabilité, vouloir la performance relèvent du leadership.

      WANO s’en fait l’écho en le plaçant au centre des stratégies d’amélioration de la performance. La DPN et Nuclear Operations suivent cette voie. Le pilotage plus technique des métiers (animation métier) comme le remplacement du Guide de management de la sûreté de la DPN par un Guide du leadership nucléaire en sont des marques. Les messages de la direction de la DPN, qui sous-tendent le programme START 2025, sont clairs et sains et je soutiens pleinement ce mouvement.

      Il ne s’agit pas tant d’opposer sûreté réglée et sûreté gérée que de revenir à la source : maîtriser les risques et produire. La maîtrise des risques impose des règles, des procédures et de la traçabilité ; celles- ci en sont un outil et ne suffisent pas.

      La sûreté suppose aujourd’hui moins d’exigences et plus d’exigence. Basculer vers moins de documentation, de processus et de reporting et davantage de rigueur, de responsabilisation (accountability), de compétence, de concentration sur le geste, les hommes et la machine demande de la capacité d’entrainement et du courage. En un mot, du leadership.

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